jeudi 7 janvier 2010

Woy ! Woy ! Se kanaval !

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Après les fêtes de Noël et celles du nouvel an, vient la période que j’aime tant: le Carnaval. (Woy!, woy! se kanaval!)

Ce n’est pas que je déteste les deux premières, ou que je sois impatient de partir me défouler corps et âme (ou langue et reins) dans l’obscurité et l’intimité d’une foule en liesse; mais les méringues carnavalesques ont plus d’effet sur moi que les chansons «Tonton Nwèl» ou Bònane». Rien que penser aux premières notes de certaines méringues, me remplit de bonheur. D’ailleurs, j’accorde autant d’importance à mes « Joyeux carnaval » qu’a mes souhaits de noël et de nouvel an.

Tenez, j’ai une bonne idée : des voeux de carnaval ! Je recommande que nous nous fassions les uns les autres des voeux de carnaval. Pas des voeux pendant la période carnavalesque, mais des voeux pour que cette période soit une réussite totale.

Et je m’y mets toute de suite :

La Santé, d’abord. Celle-là, on ne peut y échapper. Et pour cause. Si on n’a pas la santé, même pas la peine de penser au carnaval, qui est la fête la plus turbulente qui soit.

Ensuite, la Tempérance. Son absence cause trop de dégâts. Il faut savoir quand s’arrêter de boire, de fumer, de hurler et de draguer.

Enfin, des voeux d’une clémente météo. Certes, la pluie ne nous a jamais empêchés de danser, mais ça casse quand même un peu l’ambiance.

Euh...le « enfin » c’était seulement pour les voeux dont tout le monde se plaira. Et je sais que vous devinez qu’il n’y a pas que la maladie, l’excès et les mauvais temps à pouvoir nous gâcher notre carnaval.

Souhaitons donc un peu de savoir-faire à nos organisateurs. Il en faut bien pour que les heures fixées soient moins mobiles ou que l’argent des festivités de tous n’aille plutôt aux réjouissances de quelques uns. Et à défaut de compétence, un peu d’honnêteté. Que ceux qui n’ont pas la compétence cèdent la place à d’autres qui en ont. (« Si ou pa kapab, pa kanpe la », Gracia Delva, Djakout Mizik 1995).

Un peu de sobriété aussi à nos artistes. Ah oui, à écouter certaines compositions, il y en a qui doivent patauger dans les hallucinations (sitou ke semenn sa a, genyen ki pa bezwen fimen pou yo santi yo Ay). Vous trouvez normal, vous, qu’un groupe inconnu de tout le monde (même des parents des musiciens), qui sort sa première méringue, et qui crie à tue-tête «Fanatik yo di se nou yo vle» ? Ou encore «Moun chann mas yo di se djaz sa a yo t’ap tann»? (« gen dimil sujè sou latè nou ka trete, pa kite parès ap fè n’di sak pa gen sans », Ti Manno, D.P. Express 1980).

Un peu d’ordre dans nos rythmes ne seraient pas de trop. Que les groupes « Compas »jouent effectivement du « Compas », et non du « rabòday » ; Que les musiciens se dévouent à leurs instruments et ne se transforment pas en D.J. ; et que cette fâcheuse histoire d’un groupe musical jouant la méringue d’un autre groupe présent, lui aussi, sur le parcours ne se répète plus ! Un peu de gêne, tout de même.

Évidemment, il y a encore d’autres souhaits qui seraient pertinents pour la réussite de notre carnaval. Mais à mon avis, si ceux que j’ai formulés se réalisent, on aura déjà évité un autre KANAVAL woywoy.

Tilou
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vendredi 1 janvier 2010

Kwi adwat, Kwi agoch

Je vais finir par croire que la mendicité est notre sport national, vous savez !?

Oui, je sais à quoi vous pensez. Et je parle de ça aussi : la multitude de mendiants enguirlandant nos rues et dont certains vous abordent avec un «Men mwen !» comme pour vous rappeler un rendez-vous. Ils sont partout. Ils sont de tous âges. Et des deux sexes. Évidemment, certaines fois, je suis pris de compassion, sachant bien que les difficultés et la misère du pays ne leur laissent pas le choix. Si j’en avais les moyens, je prendrais sous ma responsabilité de m’occuper de chacun d’eux.

D’autres fois, je me dis aussi que si je dois, par compassion, satisfaire chaque mendiant que je rencontre, je finirai par me retrouver à mendier, moi aussi.

Mais en parlant de mendiants, je ne faisais pas seulement allusion à ceux sur le «beton». Et loin delà. J’inclus également les mendiants camouflés.

D’abord les petits personnels des bureaux qui pour joindre les deux bouts vous réclament de temps à autre quelques billets qu’ils reçoivent avec un grand sourir de soulagement, accompagné d’un «mèsi patwon» (qui en fin de compte n’est pas si superflu que ça, vu que dans notre budget, leurs noms devraient carrément figurés sous la rubrique «payroll»).

Ensuite, il y a les «tchoul» du quartier, qui vous trouvent toujours sur leurs chemins pour les dépanner. Ils ont la chance d’avoir toutes les peines du monde. Il y en a même un contre qui, je pense, le Ciel, la Nature et l’enfer ont carrément fait alliance. Bon, d’accord, ça paraît impossible ; mais c’est la seule explication que je trouve à la somme d’embrouilles qu’il m’a raconté lui être arrivés ce jour-là.

Sans broncher, il m’a expliqué que dans la matinée on lui avait volé sa bourse au marché. Que de retour, une dame l’a bousculé contre un véhicule dont il brisa le rétroviseur avec son bras pour lequel il voulait faire une radio parce que, toujours selon lui, un os avait certainement dû être brisé vu la douleur qu’il ressentait.

Bon, vous croyez que c’était tout? Moi aussi, mais ce n’était pas le cas. Avant de me rencontrer, il était passé chez lui pour trouver sa femme en très bonne compagnie et pas trop heureuse de le voir arriver. (Mwen konnen nou konprann !) Et pour finir, il m’expliqua qu’il devait aussi rendre 250 gourdes à un voisin qui l’avait injustement accusé de les lui avoir volées lors d’une visite l’avant-veille.

Ah, non ! Je ne lui ai rien donné du tout. Certes, j’ai eu beaucoup de peine pour lui, mais quand même, on ne s’allie pas avec quelqu’un qui a sur le dos le Ciel, la Nature et la terre! (Mwen pa fou ! Talè y’a di zanmi enmi yo se enmi yo !)

Dans la liste des mendiants, il faut aussi compter les prêtres et responsables d’églises. Comment? Vous n’avez pas remarqué la multiplication des quêtes ? Non! Pas du pain! Je dis bien des quêtes. Il n’y a plus seulement celle d’avant l’offertoire, mais aussi celle d’après l’action de grâce. Et même qu’une fois, le prête baptisa la deuxième quête «ket Pa m’». Au moins c’était honnête. En tout cas, maintenant, l’expression «il faut se dépouiller pour suivre le Christ» prend tout son sens.

La plus belle, enfin, est celle que j’ai découverte en écrivant ce billet. À la télé, on passait un concert de chants et de musique classique. Quant tout à coup, la caméra fait un plan sur une jeune fille en train de passer une corbeille. Elle faisait la quête ! En plein concert, on réclamait de l’argent à l’assistance. Pas mal non !?

Et à ce train-là, croyez-moi, bientôt mendier deviendra notre sport national.

Tilou