vendredi 21 août 2009

Lang manman m'

Quelques personnes m’ont trouvé un côté zuzu à cause de mon précédent billet. D’après elles, c’est parce que j’arrive à m’exprimer en Français que je suis contre le Créole, notre langue, dit-on « maternelle ».

Bon. Mettons-nous d’accord : Je ne suis pas contre le Créole ou sa pratique. Mais le Créole pose quand même quelques problèmes, ayons le courage de l’avouer.

D’abord cette histoire de langue maternelle. Normalement c’est la première langue que l’on apprend, non ? Alors, le Créole n’est pas ma seule langue maternelle. J’ai appris à m’exprimer en français avant de pouvoir le faire en Créole. Et c’est le cas de beaucoup de mes compatriotes, bien que la plupart, il est vrai, ne connaissent que le Créole.

Mais que dire alors de nos frères de la diaspora qui, pour certains, ne parlent que difficilement le Créole ? La constitution, déjà, ne les reconnais pas comme fils du pays, si maintenant si en plus ils doivent avoir une langue maternelle qu’ils ne parlent pas…

Ensuite, je ne comprends pas trop bien cette affaire de « penser dans sa langue maternelle » Ça voudrait dire que le français ne pense qu’en français ? Le Chinois, qu’en chinois, l’Ayitien, qu’en Créole ? Et ceci parce que c’est leurs langues maternelles respectives ? Humm. Alors, le muet, dont la mère est muette, il ne pense pas, lui ? Ou, pense-t-il en signes ? (Nou gen pou nou tande mezanmi !)

Tilou

vendredi 14 août 2009

Plaire au peuple

Il est bien de penser au peuple, de travailler à son bonheur. Ça devrait être le devoir de tous, mais encore plus de tous ceux qui prétendent travailler pour son bien (celui du peuple, je précise). Mais attention, «rendre le peuple heureux» n’est pas synonyme de « lui faire plaisir». Et ce, pour la bonne raison que le peuple, lui-même, n’est pas forcément en mesure de reconnaître le chemin qui doit le mener à son bien-être.

Ah, j’imagine déjà certains hommes et femmes politiques, ces éternels défenseurs du peuple, crier leur désaccords : «Le peuple Ayitien est mature», «Pèp la konn sa li vle». Pour eux, chaque journée électorale attirant la foule dans les bureaux de vote est une «leçon de démocratie», une preuve de «l’intelligence politique» du peuple.

Bon. Je serais prêt à l’admettre si ce n’était les membres de ce même peuple qui continuent à inonder de détritus les rues, les places publiques, les églises et même leurs propres quartiers. Quel bel exemple de maturité pour une population que de détruire sa propre terre. ;)

Mais pour beaucoup d’entre ces employés du Ministère des Crises Nationales, plaire au peuple passe avant même le bonheur de ce dernier. L’exemple le plus parlant de cette attitude est la propagande menée il y a quelques temps, et qui continue encore, à propos de l’utilisation de la langue créole :

Affirmer que notre langue dite maternelle doit être privilégiée était devenu un slogan. Il fallait qu’à la radio, qu’à la télévision, dans les journaux et qu’à l’école, le créole soit primé.

D’accord, un certain changement s’était avéré vraiment nécessaire. Que toute l’administration se fasse dans une langue non maitrisée par la population, que le créole soit interdit des cours de récré et, pire encore, que l’on demande à un enfant qui parle créole de changer de langue en lui intimant : «exprime-toi !» relevaient de la sauvagerie. Et puis, certains, à écouter les français -marron (et même «kaka jako») ont dû avoir pitié de la langue de Bonaparte. (Comment ça «on dit la langue de Voltaire» ? il ne parlait pas Français, Napoléon ?).

Bon, ceci étant dit, le changement n’a rien apporté de bon. D’abord, parce que les français-marron n’étaient pas dus aux difficultés de la langue de Chirac (fè respè nou wi !) ni à une quelconque incompatibilité entre la culture Ayitienne et la langue française ; mais plutôt par une distance à cette langue des gens de la classe modeste, causée par le snobisme de ceux qui la parlaient couramment.

Et puis ensuite, à l’école c’est le comble. Le Français étant de moins en moins apprécié, les cours de grammaire, de littérature n’ont plus d’importance. Ils sont bâclés tant par les élèves que par les enseignants. Maintenant, on parle Créole même en plein cours de Français. Résultat, évidemment, on ne comprend plus rien à la langue de Sarkozy (bon la a, nou gen rezon !). Pour les écoliers, passer des examens en Français, c’est les travaux forcés.

Pour pallier à ça, on a voulu mettre les contrôles en Créole. Mais…hé hé ! Ce n’est pas du gâteau hein de coucher tout ce qui se dit dans une langue dont le vocabulaire n’a pas encore été défini ! Et comment on va dire ceci ou cela ? Alors là ! (se la bagay la gate a).

Ça ne vous est jamais arrivé de demander si un mot ou un autre existait en Créole ? On me dit souvent, à moi, que tel mot ou tel autre ne se disait pas parce que ceux qui n’ont pas fréquenté l’école ne le connaissent pas. (Kifè si ou vle konn pale kreyòl, fòk ou pa ale lekòl ?!)

Quant à l’orthographe, ils ne se sont pas cassé la nénette (clin d’œil à joujou). C’est phonétique. Très bien. Mais du coup, personne n’arrive à lire convenablement le créole. Quand j’écris «CHANY» on comprend avec peine que je parle de cireur de bottes. Cette écriture phonétique ne nous dit rien du tout.

Enfin de compte, ça a peut-être plus au peuple, mais ça n’a pas du tout fait son bonheur. Le résultat est probant : Une personne ayant arrêté ces études au certificat d’études primaires en 1960 s’exprime mieux, même en créole, que nos actuels écoliers de la rhétorique.

Tilou