vendredi 23 octobre 2009

La grande scène

Je ne sais pas si, comme moi, vous aimez observer les gens. Je ne le fais pas spécialement pour admirer leurs tenues (quoique…) ou quelque partie bien «hypnotisante» de leurs corps (encore que…). Mais plutôt leurs attitudes, leurs comportements. Ah, c’est mon passe-temps favori. Et pour cause, je ne m’en ennuie pas. Alors, là, pas du tout !

À force d’observation, j’en suis à la conclusion que la majorité des gens que nous rencontrons, par leur volonté de se faire une image, jouent la comédie.

Il y a d’abord ceux qui font rire: La vedette de musique, l’homme politique, le responsable d’une grande entreprise commerciale... lorsqu’ils s’expriment à la télévision.

La première parlant d’elle-même à la troisième personne, hachant ses phrases de «you know!», de «yessay» et convaincue qu’il faille impérativement simuler un rire après chaque quatre mots. Le deuxième s’efforçant de prendre un ton solennel et s’affichant comme le plus préoccupé du sort de SON peuple. Le troisième quant à lui, l’air le plus innocent du monde et ne convainquant que lui-même de son désir véritable et de sa vocation noble de servir le pays en fournissant le meilleur service possible.

Oui, tous ceux-là me font rire parce que je devine bien qu’ils ne sont pas vraiment tels qu’ils se montrent. Ils tiennent un rôle et le font si mal qu’ils sont les seuls à y croire.

Il y a ensuite les groupes de gens qui font pitié: Ces dames invitées à un mariage, ces frères protestants, ces «tòg» ou «bredjenn», etc.

À l’église, on voit ces dames-Jumbo se faisant violence avec des robes de barbie et tenant à peine en équilibre sur des talons-aiguilles, poussant les « janmdebwa » du carnaval à la retraite.

Les frères protestants se sentent l’obligation de s’exprimer comme des attardés, ils donnent l’impression d’avoir peur de mordre les mots.

Quant à ceux du troisième groupe, c’est leur démarche qui m’intrigue. Que dis-je ? Ils ne marchent même pas, ils sautillent, clopinent, comme le ferait un cheval privé d’une jambe, pour bien paraître aux yeux du reste du clan.

Ces gens là me font pitié parce qu’ils se privent du naturel et de leur aise pour ne pas passer inaperçues.

Enfin, il y a ceux qui me font pleurer : Les petites gens au service de celles de haut rang, la réceptionniste d’une boite commerciale, l’épouse malheureuse.

Vous n’observez jamais le visage des gens de services quand ils croisent leurs employeurs ? Un sourire bête déforme leurs visages, témoignant de leur manque d'assurance, de leur crainte, de leur complexe d’infériorité. Ils sont comme renfermées sur eux-mêmes, regrettant vraisemblablement de ne pas disposer d’une carapace comme la tortue.

Dans la salle d’attente de l’entreprise, celle qui vous reçoit fera tout son possible pour donner l’impression qu’elle est en joie et contente de vous voir, même si la veille, elle comprit que l’amour de sa vie ne l’aimait plus. Elle fera tout pour ne rien laisser paraître parce qu’apparemment, on n’apporte pas ses problèmes au bureau.

La femme déçue de son union ne prendra plus plaisir à l’acte sexuel, mais continuera de simuler. Elle se fera peut-être même plus bruyante qu’avant, finira par se résigner, se convainquant que cela devait forcément se passer ainsi. Son comportement pourrait duper si de son visage ne s’effaçaient pas la jovialité et l’envie de vivre de ses vingt ans.

Toutes ces personnes jouent donc la comédie. Consciemment ou pas, de gré ou de force, elles ne sont jamais tout à fait ce qu’elles laissent paraître.

Mais je les comprends. Dans certaines d' entre elles, Je me reconnais…un peu.

Tilou

vendredi 2 octobre 2009

Ça ne se discute pas!

J’ai toujours contesté le bien fondé du proverbe «les goûts et les couleurs ne se discutent pas». Pour moi, ce n’était vrai qu’à moitié.
Ça m’a toujours semblé évident pour la première partie du sujet dans la phrase. Chacun a ses propres goûts. Et il n’y a pas trop à chicaner sur les préférences de qui que ce soit. Libre à certains de préférer vivre à la montagne et à d’autres de se sentir plus à l’aise au bord de la mer.
Cependant, pour ce qu’il en est des couleurs, je ne comprends pas comment ça s’est retrouvé dans le proverbe. Une couleur précise n’est autre que cette couleur-là ! Si c’est bleu, ce n’est pas vert. Si c’est vert, ce n’est pas bleu. Si c’est bleu-vert, ce n’est ni bleu ni vert. C’est bleu-vert!
Oui, évidemment que chacun à le droit à une couleur préférée! Être plus attiré par le noir, le bleu ou quelle qu’autre couleur n’a pas à être discuté, on est tous d’accord.
Mais n’est-ce pas encore une question de goût? N’est-ce pas de même que préférer telle saveur à telle autre ? …telle senteur à telle autre? Dans ce cas, pourquoi souligner le domaine des couleurs ? Pourquoi ce n’est pas «Les goûts et les odeurs…»?
Alors, c’est dans la cuisine ayitienne que j’ai trouvé le bien fondé de cette précision.
Vous croyez bien connaître les couleurs ? Vous êtes sûrs de ce que sont les couleurs blanche, noire, jaune, rouge…(seesaa!) Allez donc observer le pois rouge, le riz jaune, le sucre rouge, le pois blanc…Rien à voir avec ce qu’on nous explique au jardin d’enfants. Aussi, chaque fois que je me retrouve à table avec ma mère, j’essaie de soulever le problème (parce que j’aurais bien aimé comprendre, moi!). Elle m’ordonne toujours d’arrêter la discussion. (Ah! nou konprann provèb la kounye a!?)
Et même que je me suis rendu compte qu’il n’est pas complet, le proverbe. On devrait plutôt opter pour : «Les goûts, les couleurs et les mesures ne se discutent plus». Mais oui. Un gallon d’essence n’est pas forcément 3, 78 litres. Ça dépend de la station qui vous la vend. Et dans la même station, il se peut que cela dépende aussi du pompiste que vous rencontrez.
Il y a aussi cette unité de mesure ayitienne: la marmite. Il y a la grosse et la petite. Cependant, une même marmite, non plus, n’a pas toujours la même mesure. Ça dépend de ce qu’elle contient. J’ai appris ça de ma mère. Et elle a mis du temps à me le faire comprendre hein ! Lorsqu’elle m’envoyait chercher une marmite de riz, je la rapportais bien pleine à ras bord. Elle se faisait toujours un sang d’encre pour m’expliquer que «li pa rive yon ti mamit». Parce qu’il fallait pour ça que j’y rajoute le «tillon», cette espèce de dune qui doit dépasser le contenant.
Eh bien, c’est le jour où elle me demanda de lui rapporter une marmite d’eau que je compris que la marmite en question n’était pas un volume fixe. Je ne lui en parlai même pas.
Parce qu’il n’y a pas que les goûts qu’on ne discute pas.
Tilou