jeudi 30 juillet 2009

Blogodow !

Ah ! Quel beau spectacle hein, le festival du week-end dernier ! Franchement, chapeau !

Beaucoup de monde, beaucoup de...euh !, beaucoup de…Monde. Et puis… du bruit ! Oui, beaucoup de bruit, beaucoup de sons. Oh, que ça tapait fort ! C’était à rendre aux sourds l’usage de l’ouïe ou à leur ôter tout espoir de le retrouver. J’habite à des kilomètres du lieu du spectacle et je peux vous assurer avoir bien tout reçu.

Évidemment, il y aura toujours des insatisfaits qui viendront se plaindre de la qualité du spectacle. «Le décor n’était pas à la hauteur», «Les groupes n’ont fait montre d’aucune originalité dans leurs prestations», «On a eu droit aux mêmes interprétations que d’habitude», «l’organisation a témoigné d’amateurisme» (se pa mwen non, se entoleran yo ki ap di sa !), «l’horaire n’a pas été respecté» et patati…et patata !

Mais c’est qu’ils n’ont rien compris du tout, ces coincés ! C’est justement par souci de surprendre que la fête a été ainsi pensée.

Mais oui, réfléchissons. Tous ceux qui s’y sont rendu l’ont fait en pensant que cette fois-là serait la bonne, qu’il y aura du beau spectacle, avec de jolies chorégraphies, de la bonne musique (pas forcément à faire hurler les chiens de douleurs), de spectaculaires prouesses d’instrumentistes sous des jeux de lumières recherchés, comme on le voit à la télé.

D’abord, ça se fait déjà partout ailleurs. Donc, c’aurait été du copiage que de faire comme les autres.

Mais ensuite, et surtout, si les spectateurs s’étaient vu offrir ce à quoi ils s’attendaient, il n’y aurait point eu de surprise ! N’allez tout de même pas croire que les gens qui s’y sont rendus s’imaginaient que c’était ÇA, un spectacle. Voyons, Ils ne sont tout de même pas aussi débiles ! Et les organisateurs avaient bien compris ça. Et quelle meilleure garantie de surprendre que de proposer le contraire de ce qui est attendu ? Vraiment, ce spectacle a été un coup de maître dans l’art de déconcerter.

Bon, l'année prochaine, ça risque de se corser. Entre surprendre ceux qui ne s'attendent pas à l'être, par quelque chose de surprenant; et dérouter ceux qui s'y attendent par un nième spectacle banal, le choix ne sera pas facile. Mais j'ai confiance. Ils sauront nous surprendre comme cette fois-ci.

Le seul Hic a été le public. Là vraiment, ce fut la preuve que les mœurs et les temps ont changé : plus une once de politesse ! Témoigner de la gratitude envers quelqu’un pour son dévouement à nous servir, ça semble avoir disparu. Les musiciens ont dû, pendant tout le spectacle, demander aux spectateurs de montrer leur appréciation en levant les mains, en applaudissant ou en gueulant «Anmwey». Certains chanteurs ont même été jusqu’à les supplier : «Mezanmi, rele anmwey non !» Et malgré tous ces efforts, certains trouvent à redire sur le savoir-faire de nos «atis».

Moi, en tout cas, ce festival ne m’a pas laissé de marbre. Reconnaissant le prophète même lorsqu’il est de mon pays, je ne me ferai pas prier avant de crier «Anmwey !». Et je l’avoue, depuis ce week-end, mon envie de chanter a augmenté. Je me surprends de temps à autre entonnant cette ancienne musique :

«Konpa m’ tonbe, BLOW… blow... blow!!!»

Tilou

jeudi 23 juillet 2009

Gad'on bebe!

Nous sommes en 2009. Déjà la neuvième année du XXIe siècle. Certaines coutumes injustes, certains comportements barbares ont disparu. Il n’y a plus de ségrégation raciale, d’apartheid; les expressions du racisme s’effacent. Les mœurs ont changé.

Cependant, on a beau s’enorgueillir de notre civilisation moderne, certains réflexes, reconnus pourtant vils, peinent à disparaître. Le machisme, par exemple.

Certes, il devient de plus en plus difficile pour un homme de rosser sa femme sans que personne ne trouve quelque chose à redire. Et la femme peut maintenant prétendre, sans scandale, pratiquement à toutes les places qu’occupe l’homme (sòf chany!, mwen pa konn pou kisa). Mais une femme est très rarement perçue d’abord comme une personne. Même presque jamais.

Les hommes préfèrent voir partir une femme que la regarder venir, rien que pour admirer son arrière-train. Et croyez-moi: à cette pratique-là, ils se donnent à cœur joie. Surtout si l’arrière-train en question est emballé convenablement (selon eux) dans un pantalon bien plaqué. «Hmmm! Manman bèf!», pensent-ils. Comment ça vous n’aviez pas remarqué? C’est systématique, pourtant. Dès qu’une femme tourne le dos, les yeux des hommes se dirigent vers son bas. (Menm si yo pa rete pou lontan, y'ap fè yon ti desann kan menm). J’en ai même surpris à reluquer celui de mon épouse, en ma présence. Mais c’est plus fort qu’eux.

Et n’allez pas croire que c’est un vice de petites gens. Même dans les hautes sphères, c’est le sport favori. Cette semaine, une photo circule, montrant le président américain louchant sur le popotin d’une femme autre que la sienne, à une rencontre internationale.

Bon, ce ne serait pas trop dramatique si le machisme moderne se limitait à cette affaire de fesses. Mais c’est plus grave que ça. Bien plus grave.

Sur une page d’un tabloïd de la semaine dernière s’étalait une dame légèrement vêtue. « Gad’on bebe! » se récria un collègue admiratif. Évidemment, son exclamation attira plusieurs autres à s’enquérir de ce QUE c’était. Mais pas de QUI il s’agissait : Personne ne demanda son nom ou pourquoi elle était en première page d’un journal. Les féministes ont raison sur ce fait: Une femme n’est plus perçue que comme un corps. Elle n’a plus de valeur que le plaisir charnel qu’elle peut apporter.

Et comme nous ne pouvons le dire, nous le montrons :

Faites un tour des clips en rotation à la télévision : rien que des femmes n’exhibant que leurs corps. Parfois, on ne voit pas leurs visages. Elles tournent le dos pour mieux afficher leurs fesses, quand ce n’est pas la caméra qui fait un gros plan sur la marchandise, coupant du cadre la tête et les autres membres.

Certains carrément militent dans le ridicule. Ils mettent des femmes nues partout. J’ai encore en tête une scène où un chanteur est dans une remise intérieure, debout à côté d’une belle voiture et, avec lui, dansant deux femmes…en bikini! (oui, moi aussi je cherche encore l’explication d'une telle tenue dans une remise).

En plus de l’impudeur s’y mêle l’indécence. Il devient normal d’exposer un homme et deux femmes. Ça ne gêne personne. Les pubs de journaux, Les affiches géantes, les clips musicaux…tous semblent prêter leur service à la promotion de la polygamie. (Et au cas où vous penseriez que je verse dans la paranoïa, demandez-vous pourquoi ce n’est jamais une femme et deux hommes!).

Malgré donc notre modernité, nos mœurs raffinées, nous n’arrivons toujours pas à nous défaire de ce réflexe qui veut que toute femme ne soit qu’une femelle à saillir. Nous finissons par ne plus considérer la femme comme une personne ayant besoin d’être aimée ET respectée…et nous cherchons ailleurs les causes des échecs des couples?!

Tilou

jeudi 16 juillet 2009

Employés chômeurs

Ce qui est bien avec Ayiti, c’est qu’on ne finit jamais d’apprendre. Mais vraiment jamais! Lorsqu’on croit comprendre quelque chose, la connaître, la maîtriser…on est surpris de réaliser qu’on avait tout faux.

Cette semaine c’est la définition du mot chômeur que je dois revoir. J’aurais pourtant juré savoir ce que ça veut dire, que ça désignait quelqu’un privé involontairement de travail.

Eh bien, non ! Ce n’est pas ça. Le dictionnaire dont je dispose doit être une contre-façon!? ...En tout cas, ce n’est pas ça. Parce qu’à la radio cette semaine, il y a un spot qui prouve le contraire. C’est un message de l’Association Nationale des Chômeurs - ANC, réclamant la création d'emplois.

Bon ! Rien que l’existence d’un tel regroupement me laisse abasourdi. Comment peut fonctionner une telle organisation? Exige-t-elle une cotisation de ses membres? Parce que c’est pas donné hein, de faire tourner un spot sur plusieurs stations de radio et plusieurs fois durant la journée. Pauvres membres (au propre comme au figuré ?), déjà qu’ils n’ont pas de boulot, ils doivent, en plus, débourser pour être reconnus chômeurs.

Mais n’est-ce pas la première, sinon la seule, organisation qui aurait comme but son inexistence? Mais oui, si l’ANC vise à pourvoir d’un emploi chacun de ses membres, elle travaille à sa perte parce que si tout le monde travaille, personne n’est chômeur. Et il n’y a plus personne pour faire vivre l’association. (Heureusement que le gouvernement se charge lui-même du recrutement. ;)

Et qui organise tout ça ? Certainement un comité ; avec un président ou un secrétaire général et des adjoints. Il y a peut-être même un trésorier. Qui sait ? Mais ceux-là, sont-ce aussi des chômeurs ? Enfin ce n’est pas une mince affaire hien, d’être trésorier, secrétaire général ou président d’une organisation NATIONALE !? Et pour eux, pas question d’aller déposer des CV et postuler pour un emploi ailleurs. Ce serait de la trahison, d’aller pactiser avec l’ennemi. Et puis ça mettrait l’administration de l’association sens dessus-dessous. Non. Les membres du comité doivent rester fidèles et ne travailler que comme chômeurs.

En même temps, ça fait un peu bizarre que des chômeurs soient chargés de trouver du travail à ceux qui n’en ont pas. La charité bien ordonnée ne commence-t-elle plus par soi-même ? Quelle preuve d’abnégation, d’altruisme !

Et pour ces héros, finalement, ça devient un sacré boulot…le chômage.

Tilou

jeudi 9 juillet 2009

Le peuple qui danse

Je ne sais pas si vous avez remarqué l’importance du corps dans la communication du peuple et de l’individu Ayitiens. C’est peut-être le support d’expression le plus utilisé. Même plus que le parler.

Si le Carnaval offre déjà une idée de l’affection que témoigne le peuple pour la danse – bien plus que la musique puisqu’il danse n’importe quoi – il pourrait, par les nombreux refrains prétendant que c’est la seule occasion de se défouler, laisser croire que l’on ne danse qu’occasionnellement.

Pourtant, la danse (enfin, le souke kò) fait partie du quotidien.

Quand l’Ayitien éprouve une grande joie, il danse. Quand un chômeur gagne à la borlette, quand un bachelier entend son nom dans la liste des admis en niveau supérieur, quand l’équipe nationale de football gagne une compétition (bon, sa a se pa pou semenn sa a), quand un groupe social voit son candidat remporter les élections ; tout ce beau monde se met à danser.

Certes, ces personnes ne dansent pas forcément dans le sens classique du terme. Ils ne «s’expriment pas en interprétant des compositions chorégraphiques». Ce n’est même pas «une suite harmonieuse de gestes et de pas».

Elles se meuvent de façon assez rythmée pour laisser comprendre qu’elles dansent ou, plutôt, assez désordonnée pour porter à croire qu’elles parodient la danse. Certaines fois, elles fredonnent même des airs de circonstances.

Également quand l’Ayitien éprouve une grande peine, une grande douleur ; il danse. Quand une marchande se fait voler la recette du jour, quand une dame apprend la mort de son mari ou de son enfant…elles dansent de douleur. Elles disent la ressentir au ventre, dans les tripes (yo di trip yo ap kòde). Mais de l’extérieur, on les voit danser. Mains sur la tête ou sur les hanches, se tenant peut-être le bas ventre ; elles trépignent, sautillent…

En fin de compte, quelles que soient l’époque, la période, la saison, la fête ; quels que soient les événements, les troubles politiques, les misères, les chimères ; le peuple Ayitien reste un peuple qui danse.

Tilou

vendredi 3 juillet 2009

POUVOIR...de faire quoi?

C'est dommage que je n'aie pas de frère jumeau. J'ai toujours eu ce regret. J'aurais pu accomplir tant d'exploits, changer tant de choses.

J'aurais commencé par «marrer» ceux-là qui remplissent les rues d'immondices. Tous. Les clochards en haillons comme les turlututus motorisés qui ne baissent la vitre de leurs portières que pour balancer leurs bouteilles vides.

J'aurais utilisé le «sékrè» pour «kenbé» les assassins de pays qui n'utilisent les institutions étatiques que pour se remplir les poches et la gorges (non. «s» la pa yon fot. Men gòj moun sa yo tèlman laj ke li paka o sengilye).

Attention ! Je ne ferais de mal à personne. Ce serait une punition pédagogique pour changer leur mentalité. Et surtout pour enlever de leur quotidien l’affection vouée à la superstition.

Mais là ça causerais un paradoxe. Vouloir démontrer l’inexistence d’une chose en s’en servant.

J’avoue, cependant, que c’est quelque chose qui me tient à cœur que de ramener mes compatriotes à la raison, leur faire comprendre qu’une bonne partie de leurs croyances ne sont que chimères, illusoires vérités.

Allons donc ! un humain qui se transforme en chat, cabri, dinde et même papillon !? Un type qui ingurgite, lui-même, un breuvage pour qu’un autre ait la diarrhée !? Des jumeaux qui, par le simple fait d’avoir partagé un même placenta, sont pourvus du pouvoir de «kenber» et de «marrer» les gens !? (bon, se vre ke gen de marasa ki gen kèk tan yap bann pwoblèm la a). Quand même !?

En tout cas, avec ses atouts, soit nous sommes les plus idiots de l’univers, soit ces pouvoirs nous viennent directement de l’enfer. Autrement, je ne comprends vraiment pas comment l’arbre aurait pu produire d’aussi mauvais fruits.

Tilou