vendredi 27 mars 2009

Peur d'être Dindon

Passer pour un imbécile ne plaît pas à tout le monde. Et même si dès fois certains jouent la victime, c'est en vue d'une victoire qu'ils pensent ne pouvoir obtenir qu'en éveillant la pitié des autres. Ainsi, une fois leur but atteint, ils auront acquis la victoire.

Celui qui se rend compte qu'il a été berné le prend toujours très mal. Il se sent blessé dans son amour-propre, dons son orgueil. Et la peur d'être abusé devient tellement grande que ça vire à la paranoïa.

Maintenant tout le monde voit en chacun un potentiel voleur. La ménagère qui va au marché discute toujours le prix proposé par la marchande. Même si son budget prévoyait 200 gourdes pour un article, si la marchande en réclame 100, elle en propose 30. Et si son prix est acquiescé trop facilement, elle ne cessera de s'inquiéter d'avoir été dupée.

Et ne nous empressons pas d'accuser la marchande, qui, pour se défendre, avouera que si elle avait réclamé les 40 gourdes tout de go, l'acheteuse ne s'en serait pas accommodé pas et lui aurait offert peut-être dix, voire cinq gourdes.

Avec ça, aller au marché peut se comparer à des «deals» de mafia, où, l'on a toujours peur que l'adversaire ne se saisisse et de la marchandise et de l'argent.

Cette mentalité de vouloir gagner à tout prix est maintenant si bien ancrée que mêmes le fables de la Fontaine perdent leur sens.

Dans la «Cigale et la Fourmi», cette dernière passe pour une héroïne malgré son égoïsme gratuit. Elle ne veut pas prêter; non parce que ça la dérangerait, mais surtout pour punir la Cigale de n'avoir pas travailler.

Dans le «Corbeau et le Renard», on souligne la naïveté du premier et l'intelligence du second. On oublie la méchanceté du canidé.

Et ça va encore plus loin. On acclame les gagnants en faisant fi de la morale. Dans la comédie musicale «Notre-Dame de Pars», Fleur-de-Lys, la fiancée du chevalier Phœbus, n'a rien a se reprocher. Pourtant, elle n'intéresse personne alors qu’ Esmeralda, la bohémienne qui rend fous tous les hommes de la pièce, est la préférée de toutes les filles qui préfèrent s'identifier à elle plutôt qu'à l'autre...

Simplement pour ne pas être le dindon de la farce.

Tilou

vendredi 20 mars 2009

Être prophète en Ayiti.

Dans La Bible il est dit que nul n'est prophète en son pays. En Ayiti, nous côtoyons cette maxime tous les jours. On a beau être professionnel et le plus qualifié dans un domaine, nos concitoyens ne font jamais confiance à nos diagnostics.

Mais…(nou konnen pap pa gen «Mais») il y a une exception de taille.

La seule chose qui puisse accorder la confiance des autres c'est de parler de lougarou, de sorcellerie ou de ces autres bizaroïderies. Là, ce n'est plus question de prophète, c'est «paroles d'évangile».

Si tu racontes que ton cousin, avec lequel tu vis, est un type intelligent, qu'il peut résoudre les problèmes auxquels font face la NASA et la ESA, on te prendra soit pour un fou, soit pour un prétentieux...soit pour un fou prétentieux!

Si, par contre, tu leur expliques que le voisin, que tu connais à peine, est un lougarou et que, chaque soir, il se transforme en Kodenn pour vòltiger de toit en toit, on te croira sur parole.

Si tu arrives en retard au boulot et prétends que la veille tu étais en réunion avec un chabraque au Palais National, on te demandera la marque du joint que tu as fumé.

Si, de préférence, tu avoues n'avoir pas pu te lever de lit parce qu'une certaine force te «pesait» et ne t’a libéré qu’après plusieurs bonnes minutes, on ne trouvera rien à redire.

Si tu prétends que la maladie du bébé du quartier n'est pas «simple», le p’tite vieille habitant au coin de la rue a intérêt à metdeyò. Parce que ce sera forcément elle qui la «mange».

En Ayiti, nous accordons tellement de foi en la puissance du mal qu'on laisserait croire que le diable serait plus puissant que le Bon Dieu. C'est fou ce qui se dit:

«Des gens se transforment en bœufs, chien, cabri et même poules». (Et tellement fréquemment que certaines ne savent plus s'ils sont humaines ou bœufs, chiens, cabris poules. Maintenant, quand je vois quelqu'un, je me demande si c'est pas une poule transformée en humain.)

«Certains se mettent brusquement à parler des langues qu'elles n'auraient jamais côtoyées.»

«D'autres peuvent se déplacer de Port-au-Prince à Jérémie instantanément.»

Tout cela se dit avec une ferveur et une assurance troublante. Mais n'est toujours raconté que par un intermédiaire. Jamais par la personne en question ou un témoin oculaire. Toujours par quelqu'un qui, on ne sait jamais pourquoi, témoigne d'une foi aveugle en des histoires très improbables.

Tilou

vendredi 13 mars 2009

Agriculture d'enfants !?

L'école est vraiment le premier le lieu de perdition, vous savez !? C'est là que les enfants commencent à apprendre les mauvaises actions, les mauvaises attitudes.

Et je ne parle pas de l'Université, du Secondaire ou du Primaire. Là, les adhérents acquièrent des habitudes répréhensibles et des pensées crochues, certes, mais c'est normal. Ils font leurs les défauts des autres tout en leur renvoyant l'ascenseur. C'est un partage naturel contre lequel on ne peut pas grand chose.

Le vrai problème, c'est l'école maternelle. (Poko joure, mwen poko menm di anyen!)

Parce que dans les «jardins d'enfants»(jan yo rele bagay sa a pa bon non!), en plus du partage naturel des défauts, il y a les jardinières qui enseignent de mauvaises choses à leurs plantations.(nou wè lè mwen te di li pa bon an!)

Vous n'écoutez pas les chansons qu'on y apprend? Bien sûr que vous les écoutez. Vous n'y prêtez pas attention, peut-être, mais ces comptines sont connues de tout le monde.

Alouette par exemple.

C'est une chanson qui fait preuve, non seulement de cruauté mais aussi de cynisme. L'alouette, elle n'a rien fait. Elle est même qualifiée de gentille. Mais on la plume quand même.

Bon. on aurait pu trouver ça normal, puis qu'il faut peut-être la manger. Mais la plumer ne suffit pas. Il faut la narguer avec ça. On l'appelle sur un ton mélodieux pour le lui dire:

Alouette, gentille alouette

Alouette, je te plumerai.

Une autre : J'ai du bon tabac.

Avec cette chanson, l'enfant va non seulement côtoyer la cigarette ou la pipe, mais aussi expérimenter l'égoïsme:

J'ai du bon tabac dans ma tabatièèère

J' ai du bon tabac, tu n'en auras pas!

Et la fameuse comptine du nain,... pour développer la violence envers la femme. Et en plus, c' est une chanson débile; on n'y comprend rien:

Un petit bonhomme pas plus grand qu' un rat

Il battait sa femme comme un scélérat

En disant: 'Madame ça vous apprendra

à manger des pommes quand j'ne suis pas là.'

La plus intrigante est celle de la Mère Michelle.

Il s'agit ici d'un maître chanteur qui réclame une rançon contre la restitution d'un chat ne lui appartenant pas; et d'une femme avec les mœurs un peu pervers:

C'est la mèr' Michel qui a perdu son chat

Qui crie par la fenêtr' à qui le lui rendra

C'est le pèr' Lustucru qui lui a répondu :

Allez, la mèr' Michel, vot' chat n'est pas perdu.

{Refrain:} Sur l'air du tralala, (bis) Sur l'aire du tradéridéra, Et tralala.

C'est la mèr' Michel qui lui a demandé :

Mon chat n'est pas perdu, vous l'avez donc trouvé

C'est le pèr' Lustucru qui lui a répondu :

Donnez une récompense, il vous sera rendu

C'est la mèr' Michel qui dit : C'est décidé,

Rendez-moi donc mon chat, vous aurez un baiser

Mais le pèr' Lustucru qui n'en a pas voulu

Lui dit : Pour un lapin, votre chat est vendu.

Vous voyez?! La dame là, elle a de drôles d'intentions non!? et c'est ça qu'on apprend à chanter chez les bambins!

Et le plus cocasse de l'affaire, c'est qu'on nous envoie ces textes que nous entonnons fièrement avec nos enfants.

Tilou

vendredi 6 mars 2009

Fier!...mais de quoi?

Les gens éprouvent de la fierté pour des choses, des événements ou des situations bien différentes. Certaines se disent fières d'être Noirs, d'autres d'être Ayitiens. Maintenant, c'est au tour des femmes de se montrer fières de leur féminité.

Moi, je me sens fier d'avoir vu, une fois, une poule poursuivre et mordre un chien.

Le toutous était sorti de sa niche pour faire un tour lorsqu'il se retrouva nez à ...(bon, la poule n'a pas vraiment un nez). En tout cas ils firent face. Sur le coup le chien paniqua et se mit à courir dans tous les sens. Évidemment la poule sauta sur l'occasion pour venger son espèce de toutes les misères qu'elle a pu endurer face aux chiens. Elle le pourchassa et, avec son petit bec, le fit hurler de douleur.

D' accord, d'accord...ça n'a pas de sens que je puisse en éprouver un quelconque sentiment de fierté. Ce privilège ne peut revenir qu'à la SuperChicken. Et vous savez pourquoi? parce que je n'ai rien à voir avec le fait; parce qu'en aucune façon, mon influence n'a compté dans l'histoire.

On ne devrait être fier que de ce qui dépend, ou à dépendu à un moment, ou un autre, de nous.

L'écolier peut être fier d'une bonne note obtenue; le sportif, d'un record établi; le chercheur, d'une découverte. Il est normal qu'ils en soient orgueilleux (pas dans le mauvais sens du terme) parce qu'ils ont leur part de responsabilité dans la chose.

Mais on ne peut pas éprouver de la fierté pour la couleur de sa peau. (Bon, c'est vrai que l'exemple est mal choisi lorsque l'on tient compte de Michael Jackson et de nos Bobistò*). Disons plutôt qu'être fier d'appartenir à une race n'a pas de sens, puisque on n' y est pour rien. C'est pareil pour les ancêtres ou pour les résultats de nos sélections nationales.

Évidemment, on peut en être content. J'ai bien apprécié l'exploit de SuperChicken... Je saute de joie quand une équipe Ayitienne rapporte un trophée... Je suis reconnaissant aux aïeuls d'avoir effacer l'esclavage, etc.

Mais la fierté n'a pas lieu d'être. C'est ridicule d'en avoir parce qu'on est Noir ou Femme parce qu'on n'en décide pas et parce que ne pas l'être ne devrait pas faire de différence.

Tilou

* terme désignant les personnes (généralement les femmes) qui utilisent des produits de beauté pour s'éclaircir la peau